PRISON +Vous connaissez ce lieu, froid et austère? C'était là que j'étais enfermé depuis un an et demi. C'est long, très long. Ça fait peur aussi. Et puis, c'est routinier. Se lever, une heure de balade, une heure avec le psy, de retour en cellule. Et on recommence. Bien sûr que j'avais peur. Bien sûr que je détestais cet endroit. Bien sûr que j'étais innocent. Oui, j'étais innocent. Jamais je n'avais tué ma famille même si on ne s'entendait plus à la fin. Et puis j'avais toujours ce cauchemar récurrent qui revenait. Un homme sans visage qui m'appelait l'enchanteur et qui m'emmenait loin. Très loin. J'hurlais. Non je n'étais pas un enchanteur,ni un meurtrier. Mais j'appelais à l'aide... Et quand j'ouvrais les yeux, j'étais à l'infirmerie de la prison. Encore une crise de plus. Personne ne pouvait comprendre. C'était comme si au final, je n'avais plus envie de sortir. Non, j'étais en sécurité dans ma cellule, dehors, on me voulait du mal. C'était ce que j'expliquais au psy qui me suivait. Il me donna alors des médicaments pour que je me calme. J'étais trop anxieux, disait-il. Tu parles! Bien sûr que non. Il ne comprenait pas lui non plus. Et il était hors de question que je prenne ses médicaments. Et je fus pris d'une rage extrême contre lui. J'essayais de le frapper. Mais il me calma directement. Je n'avais plus le choix que d'obtempérer. C'était à ce moment là, que je me mis à sangloter pour la première fois depuis la mort de mes parents. J'avais besoin de parler à une seule personne, mon avocat et ami, Adam. Mais je crois qu'on eut une transmission de pensée car on m'annonça que j'avais de la visite. C'était lui. J'étais libre. Peut être libre physiquement mais pas dans ma tête.

CAUCHEMAR + Il m'accompagnait à la sortie, il avait l'air soulagé mais en même temps, j'avais l'impression qu'il ne me disait pas tout. En effet, quand les portes de la prison se renfermèrent derrière nous, je vis un homme qui m'attendait. Son visage me disait quelque chose mais je ne savais pas quoi. Adam m'annonça alors que c'était mon tuteur, celui qui s'occuperait de moi. Le visage de l'homme était froid. Il n'était pas accueillant, ni chaleureux. Ma vie était devenue un enfer. Après avoir quitté Adam, je compris que je n'avais plus mon mot à dire.

"Alors l'enchanteur.. tu est devenu un meurtrier maintenant?"

Je me glaçais alors, et je ne répondit rien. Puis reprenant petit à petit, mon courage, je lançais :" Je m'appelle Samara!" Je détestais tellement ce surnom. Une semaine passa. Une semaine où j'avais l'impression d'être encore prison. Je ne sortais que pour aller au lycée et encore, il m'emmenait et venait me récupérer tous les jours au lycée. Je n'avais pas le droit de sortir seul. Pourtant un jour, je réussis à m'enfuir, pendant les cours, je courus jusqu'au bureau d'Adam. En larmes et en panique, je débarquais dans son bureau et j'hurlais :

Adam.. je suis dans mon cauchemar... ça recommence...

On aurait dit un fou furieux. Mais j'en tremblais. Je le regardais sans rien dire de plus.

COURAGE + Qu'est-ce donc ce mot qui ne signifie plus rien? Dis moi, pourquoi moi je ne suis pas courageux. Je regarde mon téléphone d'un air nerveux. S'il se rend compte que j'ai séché les cours, il me tuera. Tu crois que j'exagère? Non. Il m'a aussi annoncé que je devrais trouver un travail pour payer ma chambre à l'appartement. Il avais aussi main mise sur le compte de mes parents, sur mon compte. Je n'avais plus rien. Je me devais d'expliquer ça à Adam, ça et le reste. Mais le courage, je ne l'avais pas. Je ne trouvais même pas le mot pour commencer. Je fixais toujours ce téléphone. J'étais nerveux. Trop nerveux. Je lui obéissais et je m'asseyais sur la chaise. Cinq minutes dans le silence passèrent. Toujours rien. Le courage ne venait pas. Mes jambes se mirent à trembler toute seule. Mon téléphone tomba à terre dans un bruit sourd qui me fit sursauter. Je me levais d'un bond et je regardais autour de moi. Le courage m'avait fui. Mon portable se mit alors à vibrer et ce fut la fin. Le courage était bel et bien parti.

VERITE + La vérité, il fallait la mériter. Et Adam devait savoir la vérité. Mais allait il me croire? Non. Bien sûr que non. Je n'étais qu'un pauvre fou. Shh Samara, calme toi.. Tu as pris ton médicament aujourd'hui? Ton cauchemar n'existe pas... Tu n'es plus un bébé maintenant...Tu es un homme.. Tu es un enchanteur... Je me réveillais en sursaut, ma crise m'avait repris. Ce n'était plus possible. D'une voix tremblante, je commençais mon récit :

J... J'ai plus d'argent... je suis pauvre... Il m'a dit que si je voulais continuer à garder ma chambre, il fallait que je travaille et que je lui paye un loyer... Sinon, il a dit que j'irais à la cave ou au grenier...Je n'ai pas le droit de sortir.. Ou alors qu'avec lui... Il m'emmène au lycée et il vient me chercher.. Il a dit que je ne devais pas parler aux autres, parce qu'ils me croient tous coupable ... Pour tous, je suis un meurtrier.. Et que j'avais de la chance de l'avoir lui...Il a dit qu'il me faisait purger ma peine et que j'avais de la chance de pouvoir retourner au lycée...

J'avais essayé de rester digne. Un garçon ça ne pleure pas, même le plus fragile ne pleurait pas. Mais j'avais quitté la prison pour aller en enfer. Peut être qu'au final, j'étais coupable. Alors je repris :

Je suis coupable.. c'est moi qui ai tué mes parents et mon demi frère.. C'est très flou mais je ne m'en souviens pas. Je serais plus en sécurité en prison.. j'ai l'impression d'avoir disparu de nouveau, Adam...

La vérité était sortie. Mais peut être pas jusqu'au bout. Il était inutile de préciser que je dormais déjà dans la chambre de mon demi frère, dans le même lit où il avait été assassiné. Que je refaisais mon cauchemar tous les soirs. C'était complètement inutile.

PEUR + Voilà ce que je ressentais à ce moment là. De la peur. Mais pas comme un enfant qui aurait eu peur d'un loup d'un conte de fée. Ma peur était beaucoup plus profonde. J'avais déjà l'impression de revivre une scène de mon enfance. Une partie sombre de ma vie. "Enchanteur..." ce surnom restait gravé dans ma mémoire. Parce que mon vrai nom était Merlin Samara et que je refusais de répondre au nom de Merlin. Ma famille me manquait énormément. Je me sentais seul et je n'avais pas l'impression d'être une famille avec lui. Je regardais Adam, j'avais surement un air désespéré. Je commençais à m'habituer au fait que j'allais vivre dans une cave ou d'un grenier. Ce ne devait pas être si terrible. Mais il voulait que je me comporte comme un enfant obéissant.

Adam.. j'ai peur... Tu ne peux pas savoir comment et combien j'ai peur... J'essaye d'être courageux mais je n'y arrive pas.. Peut-être que je n'y arriverais jamais.

Shh Samara, ferme-là, un peu. Après Adam va croire que tu es incapable de te débrouiller seul. D'ailleurs, pourquoi je suis venu vers lui, je n'avais plus 5 ans, j'en avais 16. Tu crois que si je me la fermais, alors il sera plus cool avec moi? Peut être ou peut être pas. Qui le sait au final, à part lui? Je repris mon téléphone, j'avais au moins 5 messages de lui, me demandant où j'étais et ce que je faisais. Ça allait barder ce soir. Je l'aurais contrarié une fois de plus. Mais peut être que cette fois-ci, j'allais me rebeller. Et puis au moins.. Non, il ne fallait pas que j'y pense.

MORT + J'avais échapper à un cheveu de la peine de mort. Mais comme ils doutaient de ma culpabilité, ils avaient préféré la prison. Qui pourrait s'imaginer ce qu'on pouvait ressentir quand on attendait la sentence, sans être préparé à mourir? J'avais à peine quatorze ans et demi quand on voulut me condamner à la peine de mort. Des gens ont pleuré dans la salle. C'était tellement jeune pour une condamnation à mort. Alors quand je fus emprisonné, on applaudit. Pourquoi je parle de ça? Parce qu'en ce moment même, j'aurais préféré être exécuter. Mais ça je ne l'avais pas dit à Adam. Il se serait inquiété. Et pourtant, je devais lui dire. C'était comme si quelqu'un me poussait à lui dire. Lui dire quoi? Que je n'étais qu'un pauvre ado suicidaire? Non, je n'étais pas suicidaire. Mais à choisir entre l'enfer et la mort, la mort me paraissait une évidente solution. J'osais enfin relever le regard, brillant de larmes. Il me semblait juste de lui dire le fond de ma pensée. Là tout de suite, maintenant.

Adam... je devrais aller voir le juge et lui dire qu'en étudiant le dossier avec toi, je reconnais ma culpabilité. Qu'il me condamne comme au premier procès.. à la peine capitale.. crois moi je serais plus libre que maintenant...

Je me rendis alors compte de mon aberration. Un air horrifié s'installa sur mon visage. J'avais osé dire ça. Pourquoi? Pourquoi on me poussait à dire tout ce que je ressentais vraiment? Me sentant mal à l'aise, je me levais alors. Je répondis au sms, inquiet, anxieux. Juste trois mots qui allaient signer ma mise en examen avec plus aucune autorisation de sortie à vie. Je suis parti... Mensonges. J'étais juste chez mon avocat.

RAISONNER + Je n'ai pas envie d'être raisonnable. Je devais aller voir le juge et lui dire ce que j'avais dit à Adam. Il devait me condamner. Mais je m'étais condamné moi même. Je regardais de nouveau Adam et j'ajoutais :

Je viens de me condamner moi même à la prison à perpétuité... Je lui ai menti... je lui ai fais croire que j'étais parti... Il doit sûrement rager à l'heure qu'il est...

Et me voilà l'ado de base. L'adolescent normal qui aurait joué un bon tour à son père. J'étais différent. Mais peut être heureux de l'être. Ou peut être pas. Au final qui peut réellement le savoir?

INDÉCISION + Je ne sais pas quoi dire. Il m'a demandé la vérité, toute la vérité. La vérité est pas belle à entendre alors pourquoi veux-tu que je te la dise? Je te l'ai déjà dit et tu n'as pas l'air de me croire. C'était tellement énorme à entendre. Je comprend que tu ne veuille pas me croire. J'ai pas envie de répéter. J'ai pas envie de recommencer. Je veux juste partir. Fuir même. Est-ce que la fuite ça fait mal. Il n'y a rien à savoir sur moi. J'ai envie de tout fermer, plier bagage. Merlin est mort il y a 6 ans, j'étais Samara maintenant. Il n'y avait qu'Adam qui pouvait m'appeler Merlin. Et pourtant, même Samara ne pouvait rien faire contre ça. Personne n'y pouvait rien. Alors non, je n'allais rien dire. Je ne voulais plus rien dire.


FOLIE + J'étais encore en crise. Comme chez le médecin de la prison. Qui pouvait comprendre ce que je pouvais ressentir? Personne. Même pas Adam. Même pas les médecins. Personne. Tu vois, j'aurais pu en finir, j'aurais pu devenir fou mais je me suis battu pour être comme les autres, normal. Et pourtant je ne l'étais pas. J'étais coupable. Coupable d'avoir cru un jour que je pourrais parler normalement à mon père. Que j'aurais pu lui pardonner de m'avoir abandonné. Oh papa, pardonne-moi, j'ai pas eu le temps de te dire tout ce que je voulais. Mais jamais je n'ai voulu te tuer.. jamais... Et ma mère. Elle me manquait terriblement. Et voilà les larmes montaient puis coulaient le long de mes joues. Soudain, j'entendis un bruit de sanglots et je compris que c'était moi. Bravo, Adam, tu as réussi à me faire craquer. C'était moi qui pleurait. C'était moi qui sombrait. J'étais ridicule. Il fallait que je me reprenne mais je n'y arrivais pas. Si on remontait plus tôt dans mon enfance, j'avais pleuré autant le jour où mon demi frère est arrivé dans ma vie. Je craquais encore. Je n'arrivais plus à me contrôler. La crise était autre. J'ai tué mon demi frère, j'ai tué ma mère et j'ai tué mon père. Je respire difficilement et j'hoquette comme les enfants. Adam, tu veux les révélations, alors les voilà.

REVELATIONS + Des flashes reviennent. Je ne sais pas si c'est de quand j'ai disparu ou bien lors des meurtres. En tout cas, ça fait peur. Très peur même. Alors je me lève et je vais me réfugier vers Adam. A ses pieds, sous son bureau. J'ai 14 ans et demi. J'étais sous le bureau de mon père. J'avais peur. J'avais vu du sang partout et un couteau qui traînait. J'avais appelé ma mère, puis mon père et enfin mon demi frère. Il n'y avait aucune réponse, pourtant leurs voitures étaient là. Je les avais cherché partout. Et puis je les avais trouvé tous les trois morts dans le salon avec le sang qui coulait et le couteau. J'avais pris le couteau, pourquoi? Je n'en savais rien. Et j'avais couru partout. J'avais cru que c'était moi qui les avait tué. On est de retour dans l'instant présent, et je suis en train d'hurler que j'étais innocent. Oui, c'est pas beau de se remémorer les choses qui font mal. Je suis en train de me cacher mon visage contre mes genoux. Et mes genoux sont remontés contre ma poitrine. Il est l'heure de tes médicaments, Samara, et si tu ne les prends pas, tu vas encore avoir une crise. Alors je cherchais dans ma poche mes médicaments, heureusement que je les trouve. Je les pris. Le calme allait revenir. La peine restait et les larmes aussi. Inspirant profondément, j'ai commencé :

Je crois que je les ai tué... c'est de ma faute...

Une phrase balancée comme ça. Pourquoi revenir sur ce qui blesse? Les larmes reviennent, je suis seul. Alors je me relève et je le regarde. D'un air étrange, absent. Je continue mon récit:

L'enchanteur doit obéir , l'enchanteur doit écouter. Il doit aller en prison car un enchanteur ça disparaît...

Un rire d'enfant me prend. Tiens, je passe des larmes au rire. Le médicament fait effet, je ne suis plus le même. Je suis un enfant. Un enfant qui ne comprend pas. Alors je me suis jeté dans ses bras, j'avais besoin d'être rassuré. J'ajoutais:

Il faut me croire... je sais que tu me crois pas.. mais j'ai peur...J'ai l'impression que ma vie va se finir...

Shh Samara. Arrête de parler, tu parles trop. Bravo, là il va croire que tu veux te suicider. Peut être c'est ce que je veux au final, qui sait? Non, je ne suis pas perturbé, non je ne veux pas mourir. Il y a seulement une partie de moi qui veut rejoindre ma mère. Je suis toujours contre Adam, j'ai arrêté de sangloter pourtant il faut qu'il sache la vérité. La vérité n'est pas toujours bonne à dire.

Ramène-moi en prison, Adam, je serais en sécurité là bas...

J'avais dit tout haut ce que je pensais tout bas. Mickael était le chef de la police et il était le gardien de ma cellule. Mais l'enchanteur allait fuir, l'enchanteur ne voulait pas rester dans la prison. Il ne voulait même plus rester au lycée. Mais ça, Adam ne le savait pas. Il ne valait mieux pas. Il se mit à me proposer de l'argent. Il valait mieux que je travaille.

CONFUSION + Je le regardais et je lançais alors :

Non! Je ne veux pas d'argent... je ne veux rien... Je vais travailler... comme il le veut. Il aime pas qu'on lui désobéisse... Alors je ne vais pas le faire...

Je me remettais de nouveau contre lui, fermant les yeux. Pendant un instant, j'ai cru que j'étais contre mon père. Pendant un instant, j'ai rêvé d'une autre vie. Mais le soleil s'est levé et la réalité s'est installée. Je suis orphelin, élevé par un inconnu. Pourtant personne de ma famille ne s'est manifesté, je suis seul. Il fallait que je me fasse une raison, ma raison. Est-ce qu'Adam pourrait comprendre? Non, mais je ne lui en voulais pas. Pourquoi lui en vouloir alors qu'il avait tout fait pour me sortir de prison? Et moi qui lui parlait d'y retourner. J'étais qu'un sale égoïste. Un vrai égoïste de première, un salaud. Comme mon père. Voilà la colère qui revenait et moi qui ne comprenait plus rien. Ce n'était plus possible.

HAINE + La haine qui revenait, la même haine qui s'était affichée lors de mon premier procès. J'en voulais à mon père. Ce jour là, il m'avait interdit d'aller à une soirée promo de jeu vidéo alors qu'Asher mon demi frère pouvait sortir comme bon lui semblait. Alors j'expliquais :

Tu sais, le jour où mon père est mort, je lui en voulais parce qu'il ne voulait pas que je sorte. Je lui ai dit qu'il pouvait aller se faire voir et que je souhaitais qu'il meurt... Et il est mort...C'est de ma faute... Je ne m'en souviens pas.. j'ai rien entendu... ils sont mort par ma faute...

Et voilà qu'une crise de larmes revenaient. Non, ce n'était plus possible, ce n'était même pas envisageable. Je ne voulais plus parler de ma vie présente. Je m'étais déjà échappé en esprit de cette vie présente. Je m'accrochais à Adam et je repris :

Ça ne va pas du tout... je crois que je suis fou, Adam... Je crois que c'est moi qui planté le couteau dans le coeur d'Asher parce que j'étais jaloux...J'arrête pas d'y penser et re-penser... ça ne peut être que moi...

C'était comme si j'étais déjà mort, je restais dans ce passé qui me hantait.